Dagniaux : « Vous avez dit Danio ? »

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C’est une histoire qui pourrait faire sourire, et pourtant. A ma gauche : Danio, 2ème innovation la plus performante de l’année 2014, propriété du groupe Danone. A ma droite : Dagniaux, PME roubaisienne quasi centenaire, fabricant de glaces haut de gamme, qui réalisait encore en 2013, 2,8 millions d’euros de chiffre d’affaires. Depuis novembre 2014, les deux marques homophones s’affrontent à coups de poursuites judiciaires. Aujourd’hui, le glacier est en redressement judiciaire et a jusqu’au 9 octobre prochain pour trouver un repreneur. Retour sur cette affaire en trois étapes.

Janvier 2014 : Danone lance Danio sur le marché français

C’est LA nouveauté qui déferle en ultra-frais en 2014 : le yaourt hyperprotéiné. A quelques semaines d’écart, les deux géants Yoplait et Danone lancent leur version de ce qui sera un futur best-seller. Danone choisit la marque Danio, inconnue dans l’hexagone, mais déjà déposée par le groupe depuis 1997. D’ailleurs, avant même d’être lancé en France, le produit conquiert plusieurs pays européens : les consommateurs du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de la Belgique, de l’Italie ou encore de la Finlande adoptent Danio dès 2011.

La marque Danio est déjà connue en Europe bien avant son lancement en France.

La marque Danio est déjà connue en Europe bien avant son lancement en France.

C’est au mois de février 2014 qu’une entreprise du Nord de la France sonne le tocsin. On découvre alors Dagniaux : PME de 22 salariés, fabricant des crèmes et des entremets glacés depuis 1923. Le glacier s’estime menacé par la marque Danio. Danone a en effet déposé la marque auprès de l’INPI sur les yaourts, mais aussi sur les produits glacés : un enregistrement que la PME roubaisienne estime préjudiciable en raison de l’homophonie flagrante, si jamais Danone venait à lancer un jour sa marque au rayon surgelés.

C’est pourquoi en juin 2014, Dagniaux adresse une lettre au géant du yaourt pour réclamer le retrait de Danio de la catégorie produits glacés du registre de l’INPI. Une lettre à laquelle répondra Danone quelques semaines plus tard, en expliquant qu’il n’y avait pas de ressemblance phonétique, considérant « Glacier Dagniaux » bien éloigné de « Danio ». Une subtilité qui va agacer le fabricant de glaces.

30 Juillet 2014 : Dagniaux dépose Danaune au registre de l’INPI

En signe de protestation et pour poursuivre un combat qu’il juge censé, le glacier décide de jouer la provocation en enregistrant la marque « Danaune » dans la catégorie produits glacés. La réaction du géant de l’agroalimentaire ne se fait pas attendre puisque quelques jours plus tard Dagniaux est assignée en justice pour contrefaçon. Un mois plus tard, le glacier fait de même. A la différence près qu’un grand groupe comme Danone a un service juridique bien rôdé et une trésorerie capable de supporter une telle procédure. Ce qui n’est pas le cas de la PME roubaisienne.

Capture d'écran du registre de l'INPI.

Capture d’écran du registre de l’INPI.

En coulisses, la grande distribution a vent de l’affaire. Vraisemblablement persuadée que l’homophonie risque de troubler le consommateur et peut-être aussi inquiète par la bataille judiciaire engagée, une centrale d’achat annule ses commandes de fin d’année et déréférence la marque. Au 31 décembre 2014, au lendemain de la saison de Noël, Dagniaux a vendu 137 000 bûches de moins que prévu. Des annulations en pagaille qui sonnent alors comme un coup de massue pour le glacier.

5 août 2015 : Dagniaux est placé en redressement judiciaire

Le 5 Août dernier, Dagniaux est placé en redressement judiciaire. Plus d’un an après le début de l’affaire, la santé financière du glacier est au plus bas : les frais d’avocat et les retraits progressifs des grandes surfaces n’ont fait qu’empirer la situation encore trop fragile de l’entreprise, déjà reprise cinq fois en dix ans. Pour la 6ème fois consécutive donc, les repreneurs intéressés ont jusqu’au 9 octobre pour se manifester, faute de quoi la mise en liquidation de Dagniaux sera prononcée. Alors que le litige avec Danone n’est toujours pas passé devant les tribunaux, serait-ce l’épilogue du petit glacier de Roubaix ?

Beaucoup comparent ce combat à celui de David contre Goliath. Il est en tout cas certains que jouer la provocation avec les grands groupes agroalimentaires peut comporter des risques et réserver des surprises… Prudence donc.




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